Traverser l’Atlantique en solitaire

par Tom de Dorlodot

J’ai toujours été attiré par les aventures en solitaire. J’ai passé de nombreux jours seul en montagne avec mon parapente. J’aime depuis longtemps m’échapper en vol, aller atterrir loin de tout, dormir enroulé dans ma voile.

J’ai traversé les Pyrénées en solitaire, à pied et en parapente, les Alpes plusieurs fois, le Karakoram. Vraiment la solitude ne me dérange pas. Je peux même dire que je la cherche parfois.

Du coup, lorsque notre programme a été chamboulé par la pandémie et qu’il a fallu interrompre notre tour du monde à la voile pour rentrer en Europe après avoir passé 6 mois dans les Antilles, je me suis dit qu’une belle opportunité s’offrait à moi. J’avais toujours rêvé de faire une transatlantique en solitaire. Je ne pensais pas que cela se présenterait si tôt.

Nous avons trouvé des tickets d’avion de retour pour ma femme Sofia et mon fils Jack vers la Belgique et j’ai préparé mon voilier avec soin. J’ai vérifié le gréement, je suis monté dans le mat, j’ai fait le plein d’eau et de nourriture, j’ai préparé mon matériel de pêche et vérifié que mon électronique fonctionnait bien. La préparation est la clé du succès et là je ne pouvais vraiment rien laisser au hasard. J’allais partir pour une vingtaine de jours jusqu’aux Açores et 1à de plus jusqu’en Belgique. Parcourir 3600 kilomètres à la voile dans l’Atlantique Nord n’est pas une mince affaire. Mais après avoir navigué près de trois ans sur le SEARCH, je le connais bien et je suis confiant.

Je pars un vendredi matin, dans un vent soutenu et avec un angle peu favorable. Je suis très heureux d’être en mer. Le plus difficile c’est toujours de partir. Je dois rapidement trouver mon rythme car je suis seul pour faire les quarts. Du coup je dors par tranche de 20 minutes, c’est fatigant mais je m’y fait assez vite.

Les jours passent mais ne se ressemblent pas. Chaque jour apporte ses surprises ; un levé de soleil, un arc en ciel, la visite de dauphins, l’apparition d’une baleine… C’est simplement magique.

Je reçois la météo via la messagerie de mon InReach Mini que je porte sur moi à tout moment. Le plus grand danger serait de tomber à l’eau, c’est pourquoi je porte toujours un gilet lors des manœuvres et je m’accroche à la ligne de vie. Si je tombe à l’eau je peux prévenir les secours avec le InReach et espérer qu’ils détournent un cargo ou un autre voilier rapidement.

Sur la traversée je ne croise qu’un voilier avec qui je parle à la radio pendant plus d’une heure.

Mon plus grand allié c’est Al Pacino, c’est comme cela que j’appelle mon pilote automatique. C’est comme avoir un équipier à bord. Je peux même le diriger avec ma montre (Marq Captain). En enfonçant un bouton je peux faire un virement de bord ou mettre le voilier face au vent. C’est super pratique pour réduire la toile et diriger SEARCH lorsque je suis au pied du mat.

La plupart du temps je suis au près, je remonte le vent. Ca n’est vraiment pas évident. Les conditions sont inconfortables et tout est humide à bord. Les vagues déferlent sur le pont, SEARCH gite fort et s’arrête régulièrement dans les vagues.

Au milieu de la traversée, le vent est tombé pendant deux jours. Cela m’a permis de me reposer un peu et de plonger sous le bateau pour dégager les algues prises dans mon hélice. J’en ai profité pour sortir mon drone et prendre cette photo, seul au monde avec 5000 mètres de fond sous le voilier.

L’arrivée en Belgique a été très émouvante, Sofia et Jack m’attendaient sur les pontons à Nieuwport. Après 31 jours en mer et seulement une escale aux Açores, c’est magnifique de retrouver les siens.